Roxana Crisó‐logo
© Universidad del Norte de Barranquilla de Colombia
En résidence du 12 au 27 mars 2024
En partenariat avec
Roxana Crisólogo est une poétesse et traductrice péruvienne qui vit et travaille actuellement à Helsinki, en Finlande. Au début des années 1990, à Lima, Roxana Crisólogo fait partie des poétesse qui participent au renouvellement de la poésie péruvienne, un renouvellement qui amènera une plus large présence de voix féminines et des classes populaires dans la poésie. Depuis, son œuvre a gagné en reconnaissance, devenant l’une des références les plus importantes de la poésie péruvienne actuelle.
En tant que traductrice et femme engagée en faveur de la diffusion de la culture, elle est à l’initiative du projet de littérature et de traduction Sivuvalo Platform, et bénéficie d’une subvention de la fondation finlandaise Kone pour développer le projet de littérature et de traduction Humanoids of the Baltic dirigé par le traducteur et poète José Luis Rico. Les projets et le travail littéraire de Roxana ont été soutenus par les institutions et fondations finlandaises Taike, Suomen kulttuurirahasto, FILI et Kone Foundation.
Son dernier livre en espagnol s’intitule Dónde dejar tanto ruido (Álbum del Universo Bakterial, Lima 2023). Elle a aussi publié les livres Kauneus (Intermezzo tropical, Lima 2021), Trenes (El Billar de Lucrecia, 2010), Ludy D. (Centro de la mujer Flora Tristán, 2006), entre autres. Une deuxième édition de Kauneus a été publiée à Buenos Aires en 2023 par Ediciones Nebliplateada et une troisième édition sera publiée par RIL editores en Espagne en 2024.
Un jour je m’en irai sans rien emporter (Éditions KLAC 2024) est son premier livre en français.
KLAC est une association bordelaise dont l’objet est de mettre en valeur la diversité culturelle et artistique dans le territoire bordelais au travers de l’art et de la littérature. Nous explorons les échanges entre les langues et les littératures d’ailleurs et la métropole de Bordeaux.
Les Rives embrassées est un projet qui cherche à créer des ponts entre le Pérou et la France, et entre les villes jumelées de Lima et de Bordeaux, à travers la poésie. Ce projet a commencé en mai 2021 avec la publication d’un recueil de poésie péruvienne en format bilingue, intitulé Les rives embrassées, et la création d’une collection de poésie sous le même nom (une collection qui a actuellement 4 livres).
À partir de 2023 le projet prend la forme d’un échange de poètes entre les deux villes, avec le soutien de la DRAC, l’Institut Français, Bordeaux Métropole, la Ville de Bordeaux et l’Alliance Française de Lima, et de plusieurs acteurs culturels de la métropole bordelaise : La maison de la poésie, l’Escale du livre et la Villa Valmont. Depuis la création du projet 3 poètes péruviens sont venus à Bordeaux pour rencontrer le public bordelais et une poétesse française est allée à Lima et a rencontré le public liménien.
Notre projet cherche à partager avec les habitants des deux villes la culture et l’histoire de “l’autre ville” à travers la poésie et faire vivre aux poètes une immersion dans une nouvelle ville à travers le partage avec la population et la littérature.
« Je suis originaire de Lima, première fille d’une famille de six enfants. Mes parents sont originaires de Cajamarca, une région montagneuse située au nord du Pérou, à la frontière avec l’Équateur. Dans les années 1960, mon père, puis ma mère, qui l’a suivie, ont dû se rendre à Lima à la recherche de meilleures opportunités de vie. Mon père est issu de la communauté paysanne de San Juan de Yanac et, comme mes grands-parents et mes ancêtres, il a toujours travaillé la terre et s’est battu pour son droit à la terre, ce qui me remplit de fierté. Lorsqu’il est arrivé à Lima, mon père a construit sa maison dans le quartier de San Juan de Miraflores, dans le désert, dans ce que l’on appelle le Cono Sur de Lima. Une zone inhospitalière qui, heureusement, n’avait pas de propriétaire, dans un pays où tout ce qui existe a un propriétaire. C’est ici, qu’arrivent de nombreux migrants qui ont abandonné les belles villes des Andes et de l’Amazonie, en raison du manque de possibilités de développement et d’épanouissement personnel. Ils ont cherché à conquérir l’indifférente Lima, la capitale, avec leurs talents et leurs rêves. Entre les années 1980 et le début des années 1990 (avant l’assassinat de l’activiste féministe Maria Elena Moyano par le groupe terroriste Sentier Lumineux), le Cono Sur était une région très active sur le plan politique, théâtre de grandes luttes syndicales et d’un riche mouvement culturel.
J’ai grandi en pensant que je vivais sur les collines vertes de Cajamarca, alors qu’en réalité je vivais dans un désert aride et gris, c’est pourquoi le contact avec la terre de mes parents n’a jamais été rompu. J’ai grandi en défendant, d’une certaine manière, une identité que nous craignions de voir disparaître si nous ne l’affirmions pas dans la vie quotidienne, en préservant quelques mots attachants, des mots dont on ne connaissait pas la langue, en préservant la mémoire des fondateurs et des défenseurs de notre communauté paternelle, San Juan de Yanac, les véritables héros de notre histoire. Nous avons préservé notre identité à travers notre nourriture, même si mes sœurs et moi étions harcelées à l’école parce que nous mangions du “cochon d’inde”, plat typique des montagnes. À Lima, à cette époque, manger du cochon d’Inde était réservé « aux sauvages ». À l’adolescence, j’ai commencé à arpenter les rues de mon quartier, où il était encore facile de se promener seul et de connaître ses légendes et ses personnages. J’ai remarqué que l’héritage culturel se transformait en quelque chose de nouveau et de très coloré. L’ébullition d’un nouveau pays en devenir. »
Roxana Crisólogo
texte traduit de l’espagnol par Carlos Olivera
Donde dejar tanto ruido, Álbum del Universo Bakterial, Lima, 2023
Kauneus, Intermezzo tropical, Lima, 2021