Lecture dramati-sée et mise en espace

Du spectacle en cours de création Run Run

Par Pamela Pantoja

 

Lundi 14 octobre

à 19 h

 

Chapiteau de l’école de cirque de Bordeaux

 

286 boulevard Alfred Dane, 33000 Bordeaux

 

Entrée libre et gratuite

 

Lauréate de l’appel à candidatures « Écriture du spectacle vivant 2024 » de la Villa Valmont, Pamela Pantoja est chilienne et habite actuellement à Marseille. Elle est artiste scénique multidisciplinaire, spécialiste en différentes techniques de cirque aérien. Elle est fondatrice de la Compagnie Lez’Artchimistes, du Collectif Merkén et elle a fait partie de plusieurs compagnies internationales qui s’intéressent au travail physique du comédien.

Pendant sa résidence à la Villa Valmont, Pamela Pantoja a travaillé à l’écriture de son prochain spectacle intitulé Run Run, pièce de cirque-théâtre-marionnette co-écrite avec Margot Lacaze qui sera à ses côtés en résidence. Autrice dramatique, Margot Lacaze s’est formée à la dramaturgie et à l’écriture à l’Université d’Aix-Marseille puis à l’ENSATT. Écrivaine de plusieurs pièces depuis 2017 (Octopus Mafia (2017), Désert (2020), Sauter les grillages (2023), À l’ombre des bâches dérobées (2024), etc.), Margot a rejoint le Collectif Merkén en 2020 et a accompagné Pamela Pantoja sur l’écriture et la dramaturgie de Je tirerais pour toi.

« Quand j’avais 9 ans, mon père a fui le Chili. On était au beau milieu d’un repas de famille. C’était l’anniversaire de mon cousin et mon père est parti chercher le dessert. Il est revenu dix ans plus tard. A partir de ce jour-là, le manque est devenu un monstre qui a pris toute la place dans mon imaginaire d’enfant. L’attente de mon père a envahi mon quotidien. Puis j’ai grandi, et ça a été à mon tour de partir. En 2009, j’ai quitté le Chili, ma famille, ma ville, mon travail, mes amies. Le manque est alors devenu mon continent, le paysage devant lequel j’ai commencé à tout reconstruire.

Le personnage de Run Run est une figure qui s’inspire de mon père et du manque créé par son absence. Mais Run Run est également un double de moi-même puisque j’ai quitté mon pays. L’éloignement du Chili est un thème récurrent dans mon travail artistique. La discipline de la suspension capillaire que je pratique est la particularité de Run Run qui, suspendu comme une sorte de marionnette humaine, est toujours en mouvement et en quête de cette chose qu’il n’obtient jamais. Run Run est à la fois la personnification poétique des départs, des gens aimés et qui nous quittent. Il est aussi une figure de l’attente de celles et ceux qui restent et spéculent autour des causes du départ des autres. Mais le personnage de Run Run ouvre aussi une réflexion sur les lieux. Il est un moyen pour nous d’évoquer et de mettre en scène des espaces physiques, géographiques qui n’existent pas, des lieux dont les fonctionnements ne cessent de bouger, de muter et de s’équilibrer.

« Le plus difficile ce n’est pas de quitter son pays mais de revenir toujours avec ce sentiment d’avoir manqué quelque chose d’important ». Pour certaines personnes, migrer c’est comme vivre suspendu·es entre deux mondes. L’on n’appartient pas tout à fait au lieu dans lequel on habite, et plus tout à fait non plus à celui de notre naissance. Cette lecture métaphorique du corps suspendu est au cœur de la construction du personnage de Run Run. Et quand j’ai cherché une matière qui, pour moi, représentait la sensation d’un chez-moi, la laine m’est immédiatement venue à l’esprit. Tout d’abord, il s’agit d’une matière très présente au Chili et qui se retrouve aussi dans les magnifiques tableaux brodés de Violeta Parra, inspiratrice du personnage de Run Run. Mais la laine nous ramène aussi à une sensation de chaleur, de cocon. C’est une matière dont j’ai pu suivre l’ensemble du processus de transformation, depuis l’élevage jusqu’à la confection finale. Elle permet donc de tirer un fil et de tisser des liens autant concrets que métaphoriques. Ainsi j’ai commencé à récolter, au grès des rencontres, la matière qui donnera la forme à ce spectacle en devenir. La laine est intégrée à la scénographie, dans la confection d’objets et d’agrès aériens que j’ai moi-même tissés. » 

© Gaël Marsaud